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  • Du 31 mars 2013

    La peur

    En face du restau où je déjeunais, il y avait un coiffeur. Une énorme pancarte : hommes 22 € / femmes 30 €.

    Mes voisins de gauche étaient un couple dont le monsieur avait dans les 70 ans, le crâne pelé comme un œuf.

    Du point de vue du coiffeur, c’était la bonne affaire, un gars comme ça, à 22 €.

    J’étouffe un rire irrespectueux, et leur dis que par les temps qui courent, quand la tendance mortifère est à l’abolition des sexes et de tout ce qui s’y rattache, il faudra que le coiffeur se mette au pli (y a joke) sinon il finira en taule pour sexisme et discrimination.

    Je crois qu’ils n’ont pas compris. Moi, je n’ai pas compris non plus : la dame voulait une pizza végétarienne, elle en a eu une jambon/mortadelle. La pizzeria était tenue par des indous ou des pakistanais qui ne sont manifestement pas musulmans.

    Cette époque est exaltante, comme disait mon oncle.

    Le jeune homme à ma droite était venu tout seul ; envie de se confier. Se tourne vers moi :  

    "Vous n’avez pas peur qu’on ait la guerre ?

    - La guerre ? Mais C’EST la guerre. Il y a la guerre partout.

    - Oui, mais ici, en Europe. Ça monte de partout". 

    Je pose ma fourchette.

    "Comment dit-on « je », en anglais ?

    - Game ?

    - Non, pas « jeu », « je ».

    - Heu…ye ?

    - Eye. Comme I. Moi. (j’ai lu ça il y a deux jours dans un lien que m’a passé l’Homme Invisible, et ç’a m’a bien plu ; deux heures plus tard, le conférencier faisait remarquer que pour « je », l’allemand dit : « Ich », comme « Isch », « Jésus »)".

    Posant mon index sur mon front, je lui dis :

    « Eye », l’œil qui voit tout. Il est là aussi. On fait tous partie de la machine. Certains voient ce qu’ils veulent. Tout en noir, tout en blanc. Chacun choisit son camp. Mais un œil, ça ne sert pas à choisir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Un œil, ça sert à voir. Moi, j’ai choisi de voir, pas de choisir. (Enfin, j'essaie, c'est pas facile) S’il y a la guerre, je verrai la guerre. Mais je n’ai pas peur. Je n'ai pas de camp (j'essaie)".

    Il rumine ça pendant que j’engloutis mon pavé de saumon, puis :

    "Vous avez des informations sur Shamballah et l’Agartha ?

    - Hum. Mon papa avait une expression, dont il n’était pas l’auteur, qui parlait de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours. Si j’ai vu l’ homme qui a vu l’homme, j’ai pas vu l’ours. Je ne sais rien de Shamballah.

    - Il paraît que c’est le centre du monde, dit-il".

    Ah bon ? C’est con, moi qui croyais qu’il était là, en moi ?

    Il a fini son repas avant de sortir. Un quart d’heure plus tard, il fumait un mégot de tabac roulé, dans un rayon de soleil. Je me pose devant lui.

    "La guerre est partout, même ici dans ce soleil. Les piafs chassent les moustiques. La peur est partout ; la peur est naturelle. Tous les animaux ont peur de se faire bouffer. L’herbe s’évanouit devant la vache qui broute. Il est naturel d’avoir peur. Mais ça se travaille. Pas par l’espérance. Parce que c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Pareil, kif kif. Les deux faces de la pièce. Le but, c’est de vivre sans peur ni espérance. Juste voir, sans juger, sans choisir. C’est pas facile, mais ça vient, ça bouge, avec le temps. On finit par vivre sans préférences.

    - J’espère quand même qu’il y aura pas la guerre", dit-il.


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  • A une danseuse de tango qui peut-être se reconnaîtra,

    si elle passe par ici,

    cette version enthousiaste et asiatique ! 


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  • Sujet que j'aurais pu aussi intituler : ensembles et sous ensembles.

    Moi, qui suis moi (?), relativement défini et délimité, je suis également partie d'un certain nombre de cercles.

    Familial, professionnel, amical, amoureux, de rencontre...

    De chacun je suis partie, et en même temps lien entre moi et les autres parties, ou, pourquoi pas, seulement lien.

    Comme dans le cerveau, où les synapses relient les neurones et créent ainsi un ensemble excédant la somme de ses parties.

    Moi, à moi seul, je suis un royaume, composé d'une foule de moi (987, selon Mouravieff).

    Dans une simple rencontre entre deux humains, 1974 moi se feraient face.

    Le rapport est exponentiel dès lors que j'entre dans d'autres relations.

    Plus je multiplie mon influence dans divers groupes, ou sous-ensembles, et plus j'ai de chances de changer l'ensemble.

    Quand on comprend cela, quand on est sorti de la pure réaction, parfaitement stérile, parce que non reliée, on peut alors entrer dans l'action et influer sur le "rêve de la planète", selon les termes de Don Miguel Ruiz.


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  • Publié le 30 avril 2010

    L'arbre unique

     

    L'arbre unique

     

    Il y a quelques années, Mme Vieux Jade a rêvé que trois moines frappaient à notre porte et demandaient : c’est bien ici, le monastère ?

    Quelques jours plus tard, c’est moi qui recevais en rêve la visite de Taisen Deshimaru, lequel nous confiait la mission de faire et de distribuer des photocopies.

    L’écrivain espagnol Arturo Perez  Reverte  dont j’aime beaucoup un livre en particulier, « le Soleil de Breda », est également un grand journaliste, qui publie des tribunes qui ont environ quatre millions de lecteurs.

    Le blog de l’ami Ferlin a un public fidèle de plus de mille lecteurs. Yog en a deux cents, disait-elle un jour.

    Gandhi est connu du monde entier et son message travaille encore le subconscient collectif.

    L’ami Hergé a bouleversé des millions de jeunes lecteurs, durant près d’un demi-siècle.

    Le Bouddha, le Christ, Mohammed et d’autres ont changé des pans entiers de notre culture et de notre pensée durant des siècles ou des millénaires.

    Certains sont des troncs, des artères principales. Le Christ dit de lui-même : Je suis la  vigne, vous êtes les sarments.

    Certains irriguent large, et en eux le sens coule comme un fleuve. D’autres sont des veines. Si certains charrient l’oxygène qui pétille et éclaire nos jours, d’autres ramènent un sang impur, chargé de toxines, usé, vieilli vers le cœur, le centre, pour qu’il y soit lavé et purifié.

    Certains sont gais, d’autres s’effondrent sous le poids des jours et des misères, jusqu’à ce qu’ils soient secourus et vivifiés. C'est à cela que nous pouvons nous employer, avant ou après que d'autres ne le fassent pour nous, dans un incessant brassage.

    Nous, nous sommes de petits vaisseaux, ceux qu’on appelle des capillaires, parce qu’ils sont plus ténus que des cheveux. Nous, Mme Vieux Jade et moi, dans ce qu’elle enseigne, dans ce que je raconte sur ce blog, mais aussi, bien sûr, dans la vie de tous les jours, dans nos rapports à tous les êtres.

    Vous, nous, nous sommes le tissu le plus petit, le plus fin, et nous transmettons à tout ce qui nous entoure, plantes, événements, enfants, gens, animaux, éléments, nous transmettons de minuscules photocopies des enseignements éternels que les grandes artères ont roulés, que les veines ont convoyés, de plus en plus loin, à travers les temps et les distances ; il y a loin du cœur à l’extrémité du petit orteil, peut-être sommes nous ce petit vaisseau enfoui sous la corne, le durillon.

    Mais sans cette minuscule transmission, sans cette énergie à la fois immense et microscopique qui bat en rythme, sans les sourires, sans les paroles, sans les gestes d’accueil de d’apaisement que nous nous passons les uns aux autres, si l’un de nous, vous, moi, n’importe qui faillit, s’endort, oublie, se minéralise, cette toute petite zone oubliée cachée sous la plante du pied gauche de l’Être total, cette petite zone sera un no man’s land, une terre sans humanité, sans amour, sans conscience.

    Nous sommes un élément essentiel du grand corps unique, et sans nous, sans notre minuscule place, l'Être serait incomplet. Nous sommes Un, tous au service de l'Unique, et cet Unique est nous et chacun des êtres qui nous entourent.

    Lorsque nous le saurons avec l'évidence de la Révélation, c'est-à-dire avec la même Présence qui était la nôtre avant notre naissance terrestre, il n'y aura plus la moindre séparation, et le Dormeur s'éveillera.


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  • Le jour viendra le jour viendra on l'entend depuis toujourstoujourstoujours, et puis soudain le jour est là.

    Chut. Ne pas le dire, faire comme si on ne voyait toujours rien, pour ne pas réveiller ceux qui dorment encore. Seuls le savent ceux qui ont bu à la rivière. Au ruisseau. A la source, ce maigre filet d'eau qui était tellement tari que personne n'y croyait plus.

    Mais voilà qu'il enfle soudain, et pourrait recouvrir le monde.

    Ami, ne désespère pas. Le jour est levé, la beauté du monde sort de l'ombre glacée, mais ne le savent que ceux qui ont un peu écarté le bandeau.

    Mais écoutez, fermez les bouches du mensonge et de la peur et de la propagande et écoutez : partout, le bruit court qu'un autre monde arrive, est déjà là.

    Les oiseaux le disent, les arbres qui restent le répètent, le vent l'emporte par delà les mers : le jour est là.

    Un bruit balaie montagnes et plaines, une rumeur entre sous les portes, retourne les serrures, ouvre les coffres-forts, renverse les secrets bancaires, un écho sans fin fait le vide : le jour se lève, le jour est là, les ombres fuient, résistent puis succombent.

    Comme une mer qui monte, la lumière gagne et les châteaux de sable et les hordes de sable des rois de sable n'y survivront pas, malgré leurs imprécations, leur rage convulsive et leurs noirs jeteurs de sorts.

    La nuit est finie, et seuls ceux qui ont encore un bandeau sur les yeux ne le savent pas.

      


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  • La précieuse Anne Sylvestre par le splendide JeHan, ça tient ses promesses.

    Plus ça va, et plus que je l'aime ce gars là, autant pour la profonde joie de son chant, son talent débordant que son génie de choisir de parfaites chansons :

    Attention, ses disques sont presque introuvables, et les revendeurs tapent fort.


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    Un régal, d'un bout à l'autre. Vers 43 mn, il chante une chanson de son défunt copain Claude Léveillée, mais tout vaut vraiment, et entre autres son humour, un peu dopé au Gin Tonic.

     

     

     


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  • Mis au monde le 27 novembre 2011

    Cet article est la suite de celui-ci 

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    Allons plus loin.

    J'appelle la caution des fidèles qui me lisent depuis l'aube de ce blog, et qui savent que je n'apporte, comme un pêcheur son poisson du petit matin, que mes révélations les plus récentes.

    Si l'on admet, comme je le fais moi-même, subjugué par l'évidence, que OU / OU a fait son temps, on doit TOUT mettre ou remettre en question, et surtout les évidences passées.

    Car souvent ces évidentes évidences ne sont que des implants conjoncturels et culturels, dont le seul et unique but est de permettre un déroulement paisible des contingences sociales, au bénéfice des maîtres de céans.

    Foutre en l'air les implants est un impératif pour toute personne dont la destinée réelle est de franchir les barrières émotionnelles et mentales qui ont été posées en clôture de ce monde.

    Je le redis pour que ce soit parfaitement clair : il est absolument (c'est le mot exact, c'est l'exigence de l'Absolu)indispensable de franchir ou de renverser toutes (TOUTES) les barrières qui ont été volontairement érigées entre notre condition actuelle, que les anciens orphiques et cathares assimilaient à la mort, et la Vie, qui pour la plupart des humains débute à la mort du corps.

    Le prénom René (Renatus)est un prénom initiatique qui signalait qu'un homme (ou une femme, Renata)était mort à l'illusion (du OU/OU, entre autres) pour naître DE SON VIVANT au monde bien plus vaste du ET/ET.

    A ce stade, on peut tout - on DOIT tout remettre en cause. Rien ne doit échapper au regard brûlant de la conscience, et en particulier les plus évidentes des évidences, et, parmi ces choses particulièrement évidentes, celles qui nous ont peut-être servi à nous hisser jusqu'à ce niveau.

    En bref, tout sonder, et, sans haine, sans quoi que ce soit d'émotionnel, zapper tout ce qui ne sert plus.

    Un exemple : les mots d'ordre et slogans de 68, dont celui-ci : METRO - BOULOT - DODO.

    Phrase choc qui a permis à des millions de gens de se rendre compte de l'aspect mécanique de leur existence, de leur aliénation, cette phrase qui semble libératrice est en fait une condamnation, car inextricablement liée au domaine du OU/OU.

    L'enjeu, aujourd'hui, et c'est un pas en avant, c'est ET/ET.

    METRO : c'est pas un cimetière, ça pue, c'est bruyant, chaud, humide, et plein de gens qui font la gueule. Pourquoi ? Ont peur. On voit sur le net un tas de vidéos de gens qui ont compris l'enjeu, et cherchent à transformer cet enfer en lieu de vie. Souvent, ça marche. Mais c'est dur, c'est lourd, c'est SOUS TERRE. Royaume des morts. Quel enjeu que de dire aux morts : vous êtes vivants, c'est au fond de vous, une étincelle, et vous êtes aussi le bois sec, allumez-vous les uns les autres, et le monde renaîtra de ses cendres éteintes...

    BOULOT : l'occasion unique, irremplaçable de donner vraiment ce qui est en nous, en énergie comme en intention. Le boulot, même soumis à une hiérarchie, n'est pas une soumission. Seule la peur peut nous soumettre, pas le travail lui-même, qui a deux vrais objectifs : nous libérer de notre désir de passivité, et de notre peur d'affronter le koan du monde, d'une part, et servir le monde, d'autre part.

    J'avoue que c'est difficile, très difficile de parvenir au terme de ces enjeux. Moi qui en parle, j'ai du mal à tout relier, tout prendre en compte. Mais l'enjeu est majeur : travailler, ce n'est pas succomber comme un rouage à la nécessité - là est la perdition - mais c'est mettre l'incroyable effort de sortir de la matière pure, la passivité pure - au service de sa liberté propre, et au service du monde.

    DODO : pas un anéantissement. C'est peut-être là qu'on voit le plus clairement d'où émerge ce slogan, qui assimile le sommeil à la mort, et donc l'activité à la vie. Mais une activité qui serait libérée de cette fatalité que serait le travail. Le sommeil au contraire est fécond, nourrissant, salvateur, sage, et informe le côté diurne par lequel nous l'exprimons à l'extérieur.

    OU / OU est mort. Qu'on l'enterre sans regret, pour faire enfin place à beaucoup plus grand : ET / ET.

    Dans cet exemple - je vous laisse en découvrir mille - rien n'est fini ni déterminé une fois pour toutes : le métro est un immense champ de découverte et d'expérience de la diversité et de l'unicité de la famille humaine, le boulot l'occasion de sublimer son égoisme et sa crainte de la sanction hiérarchique ou du jugement de l'autre au profit de cette même famille, et en particulier des plus humbles, et l'ombre comme un immense réservoir de lumière et de courage.

    L'aliénation, curieusement n'est pas dans le fait de vivre METRO-BOULOT-DODO, mais dans l'illusion que vivre cette vie n'est pas humain. Alors que tout au contraire c'est une possibilité de transcender et d'intégrer les aspects machinaux de l'existence pour les annexer à l'expérience et à la richesse spécifiquement humaines.

    Noël approche. Nouveau Soleil, nouvelle lumière, nouveau message. Le message de ce temps, c'est le suivant :

    Fini le temps du chantage : C'EST LUI (ELLE)OU MOI.

    Vieilleries, poussière, échos du passé.

    On vit dans un monde violent et pourri, et ce monde est beau. On a mal de toute la détresse de la nature et des humains, et quelle tendresse en naît... 

    Le suc du temps nouveau, c'est : AIME MOI COMME JE T'AIME, CAR NOUS SOMMES LE MÊME.

    Tout ce qu'on m'inflige, je choisis de le vivre en conscience et de le faire mien. Il n'y a pas (plus) d'ennemi. Plus personne ne m'inflige plus rien. Tout est fait pour que je sorte de ma coquille. 

    Pas évident, mais ça viendra.


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  • Ami(e)s, si vous exposez encore vos précieuses oreilles au tir incessant des armées de l'ombre, qui sévissent jour et nuit "sur les ondes", et vous resservent depuis des décennies, en boucle, les mêmes misérables bouillies dévitalisées sans le moindre répit, infernale mécanique circulaire, demandez-vous un instant pourquoi un artiste aussi magnifique est aussi inconnu ?

    Il n'a pas l'accent parisien ?

    T'as entendu comme chacune de ses phrases te laboure ?

    Comment un mec comme lui en une seule chanson te remet le monde à l'endroit, te renverse toutes les armées de l'ombre, leurs tanks, leurs Jeep, leurs bombardiers, te réunit leurs divisions ? 

    Je le découvre à l'instant, aussi ému et transpercé que vous, presque en temps réel. 

    Pourquoi les rues sont-elles vides de chanteurs, livrées aux ferrailles mécaniques, pourquoi, quand un couple de canards colvert traverse une rue comme je l'ai vu cet après-midi, ébahi, dans une petite ville, devant un bistrot, les deux ados qui auraient pu les remarquer, vautrés en terrasse, ne les ont même pas vus, fascinés qu'ils étaient par l'inanité de leurs écrans ?

    Combien de créateurs broyés, tus, laminés, ignorés, condamnés au silence au profit des "radios", cette antenne de l'énorme machine à décerveler, combien de peintres, combien d'écrivains, de conteurs, d'inventeurs, de chanteurs (et de chanteuses, mes belles et si magnifiques amies de l'autre soir), de danseuses, allez, je prends le féminin, tant vous êtes belles, mes amies, pour rompre avec cette malédiction du masculin obligatoire, de conteuses, disais-je, passées au rouleau-compresseur du prêt à bouffer en petites rations de survie, comme si nous étions en phase terminale, sous perfusion, confinés dans une chambre d'hôpital, mourants, alors que le printemps arrive, que la vie éclate partout au dehors, ce dehors qui est le vrai dedans où nous étions, ce paradis terrestre, dont nous avons été exclus.

    Combien de femmes et d'hommes livrées (accord incorrect mais délibéré) aux films de violence sexuelle et aux sextoys électriques quand la nature entière fait l'amour ?

    Il est temps de regagner la maison, mes amours.

    Le temps des murs et des cloisons prend fin.

    Une autre ?

     

     


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  • Déjà paru le 26 novembre 2011

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    Voici un texte plein de parenthèses. Je vous prie par avance de m'en excuser, il est né comme ça, plein d'excroissances, mais au naturel. Et pourquoi ne pas encenser les parenthèses ? Parenthèses, soyez ici chez vous, étalez-vous, pour une fois, profitez de l'espace. 

    Combien de milliers d'années passées à se répéter - sans doute c'étaient les nécessités du temps - qu'on ne pouvait pas avoir (peut-être le problème est-il là ?) deux choses à la fois.

    Le beurre et l'argent du beurre, pour les plus matérialistes. La crémière, ajoutaient les futés matérialistes tout autant.

    Pour d'autres, c'est plus complexe, mais pas forcément plus facile (une des erreurs les plus répandues est de croire que ce qui parait facile pour soi-même devrait être facile pour les autres) : ne pas faire des affaires en famille (là, effectivement, je demeure très réservé, pas à cause des affaires, mais de toute la boue que charrient les familles).

    Donc - le problème des parenthèses est qu'on finit par perdre de vue l'idée de départ, la trame du sujet, fermons la parenthèse - donc (je vais y arriver) donc donc donc, nous tous, vous, moi, nos parents et tous nos ancêtres avons appris que :

    DE DEUX CHOSES L'UNE. Choisir, choisir, choisir. Toujours choisir. Un métier, un sexe, une préférence sexuelle, un restaurant, un métier, un parti politique, des relations, des clients, des amis.

    C'EST L'UN OU L'AUTRE. Injonction suprême parmi les injonctions. TU N'AIMERAS QUE. Ton dieu (unique) Ta femme (unique) Ton chef (Unique) auxquels TU JURERAS FIDÉLITÉ.

    INJONCTIONS. VEUX VOIR QU'UNE SEULE TÊTE !

    On peut aller jusqu'à concevoir que c'est, plus qu'une injonction, une véritable MALÉDICTION.

    OK. Peut-être était-ce nécessaire (un "peut-être" ignorant et vaguement tolérant, dans le doute). On connait le rôle libérateur de la transgression. Sans tabou,pas de transgression, et sans transgression, pas d'acquisition d'une nouvelle liberté.

    Mais, justement, est-il ENCORE (si toutefois ça a été nécessaire) judicieux de se plier à ce genre de dogme restrictif ?

    Si vraiment nous changeons d'ère, alors nous changeons de polarité.

    Ça veut dire que tout s'inverse. De la restriction, de la fermeture, nous allons vers l'ouverture.

    De l'ancienne proposition : OU / OU, essentiellement masculine, nous passons à ET / ET, profondément féminine.

    On peut enfin penser (et mettre en pratique) que nos enfants sont nos maîtres, aider nos parents à grandir, faire de nos clients nos amis et de nos amis nos clients, pour qu'ensuite nous ne soyons plus qu'un seul coeur, que l'arabe du coin nous devienne soudain, en un regard échangé, plus proche que nos frères et soeurs,que si toutes les femmes sont des salopes, hé bien, ma mère en est une aussi, et que moi, le mâle incomparable, soudain, je suis ma mère, ma soeur, ma femme et toutes les autres salopes qui savent et ne peuvent pas dire depuis des siècles que rien n'est vraiment figé comme le croient les hommes, mais mutable, échangeable, perméable, imprévisible, LIBRE.

    Frères humains qui pendant nous vivez, il me semble essentiel que vous appreniez, comme je le découvre moi-même, que rien n'est écrit, rien n'est figé, que tous les chemins sont ouverts, ET TOUS EN MÊME TEMPS, que rien ne vous oblige à suivre une seule voie, aussi étrange que cela paraisse, car aucune voie n'est limitative.

    OU / OU n'a plus de sens. Client ou ami, parent ou ami, époux ou ami, amant ou ami, sont des vieilleries nauséabondes et dénuées d'amour.

    L'amour véritable qui vient efface les catégories. C'est maintenant client, parent, enfant, époux, amant amis.

    Pour faire une mauvaise blague (combien révélatrice), tous ces gens-là qui étaient jusque là à mettre sont maintenant amis.

    Sans maudire personne, ceux qui pourront rejoindre ce bateau seront séparés de ceux qui aiment mieux continuer les guerres. 

     

     

     

    PS pour les courageux : il y aura demain une suite à ce laïus. 





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  • Mme VJ est en train d'écrire et demande soudain : combien de R à corroborer ? Deux, dis-je, enfin, trois. Et en roulant les R, j'énonce coRRoboRer, en doublant les premiers.

    C'est ainsi que parlaient les vieux, les anciens, les français de la campagne d'autrefois. Je me suis toujours émerveillé de l'orthographe parfaite de ces vieilles gens, paysans, boutiquiers, avec un souvenir particulier pour une vieille dame qui avait écrit "ambiguë" à la perfection.

    Mot dont je ne donnerais pas cher sous le clavier de la majorité des contemporains.

    L'accent "parisien", la radio puis la télé et leur destruction systématique de toutes les singularités, ont tué la langue française. Lorsque l'instituteur prononçait toutes les lettres d'un mot, comment se tromper ?

    Certes, l'orthographe n'est pas une vertu, et c'est heureux. Mais si la beauté supporte les haillons, elle est toujours magnifiée par l'élégance du vêtement.

    D'élégance, il n'y a mie, mais du jargon. Je me suis adapté à celle du temps, c'est à dire qu'il n'y en a quasi plus, puisque orthographe signifie : manière correcte d'écrire. Comme les manières incorrectes pullulent (un mot qu'on peut prononcer puLLuLent en mouillant les L, et doublant les deux premiers), on devrait plutôt parler de cacographe.

    (Vérifiant si le mot à déjà été employé, je découvre la cacographie. Un exemple de cacographie : qaqografi)

    Il est urgent, me semble-t-il de retrouver le sens des mots, leur suc, de remonter leur piste jusqu'à leur origine, de savoir pourquoi "corroborer" prend deux R, parce que CUM ROBORARE, prendre de la force avec, se résoud en CUR puis COR ROBORARE, et que tous les mots ont un sens profond et véritable, même et surtout ceux que l'on tripatouille, dont on fait de la fausse monnaie.

    Retrouver le sens des mots, c'est redonner de la vie, mettre au jour des sources ; les employer, ces mots splendides, c'est les faire circuler, les offrir à ceux qui les aiment, les apprendre, en entretenir le souvenir.


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    Dans ce rêve, j'étais assis sur une terrasse de maison, sous une tonnelle, avec mon copain M., et sa femme (qui dans la vie n'est pas sa femme, il s'en passe des drôles dans les rêves). Il avait un peu la tête de Jung. Nous sirotions un vin noir au bord du chemin de terre qui montait.

    Un tracteur s'arrêta. Son chauffeur descendit, nous expliqua qu'il allait labourer une terre qu'il avait là-haut, sur la montagne.

    Mais ce sont des pierres, des landes, dis-je. Il s'obstinait. Ce sont mes terres, c'est à moi. Ce sont les terres des Dieux, des esprits, répondais-je. On ne laboure pas la montagne. Mais il voulait à tout prix que ça produise, que ça crache de la rentabilité.

    Labourez la plaine, dis-je. C'est de la montagne descendue pour nous. Envoyez les chèvres là-haut, c'est leur place, mais ne labourez pas le domaine des Dieux.

    Bien sûr, pensais-je plus tard, au réveil, que la montagne produit. Elle s'écoule et donne les riches alluvions de la vallée, choses visibles. 

    Elle est aussi l'espace de liberté, le dernier lieu sauvage, la sauvegarde du reste. 

    La montagne est le monde des causes. Ne labourez pas les causes, laissez-les déterminer le monde des effets. Travaillez la terre, pas le roc.

    Mais l'avidité n'a pas de bornes. Manipuler les causes comme le font les sorciers modernes est un rêve de fous.

    Ce monde sombrera totalement, il n'en restera rien à l'instant même où le dernier centimètre carré aura été réduit à l'usage profane. 

    Il basculera et redeviendra une fois encore vierge.

     Initialement paru le 7 janvier 2012


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    NB : cette lecture sera incompréhensible détachée des articles précédents.  

    Dawes est un ivrogne. Il a probablement été assassiné parce qu’il donnait des informations sur le trafic d’opium, mais il a pu également tomber tout seul dans les eaux du port. C’est un point à remarquer, car l’histoire entière parle d’alcool et d’opium, fausses lumières. Dawes est un double annonçant le capitaine Haddock, fameux poivrot, que Tintin va bientôt rencontrer. Il est peut-être le ka puant de Haddock.

    Un « matelot » porte ce nom car il partage son lit (matelas) avec un compagnon (Maat en hollandais, clin d’œil pour Maat*, qui pèse les âmes à la mort dans le symbolisme égyptien ?). Ce compagnon, c’est le double. Ah, vous ne savez pas que vous avez un double ?

    Remarquons qu’un matelot ne devait pas posséder de louis d’or, vrais ou faux, mais plutôt des pièces de cuivre, des liards. En anglais, et tout l’album est « anglé », liar est un menteur.

    En 1887, le Dawes Act (de Henry Dawes) permet la vente des terres des tribus amérindiennes aux particuliers. Hergé connaissait bien l’histoire amérindienne pour avoir dessiné « Tintin en Amérique », où comme on l’a vu il a présenté les bussinessmen et le gouvernement américain (qui envoie l’armée pour déloger les indiens de leurs terres ?) comme des voyous.

    Plus près d’Hergé, le plan Dawes (C.G) a été mis en place après la guerre de 1914-1918 pour régler la question des réparations réclamées à l’Allemagne, par l'octroi d’un emprunt aux banques anglaises et américaines. Peut-être y a-t-il un rapport avec la fausse monnaie et les menteurs ? Là encore, quelques années plus tard, les mêmes fonds ont financé Hitler.

    La fausse monnaie est de la monnaie de singe, et ce mot sert fréquemment à désigner Saint-Jean. Je n’ai pas d’explication, je me contente de déballer ce qui est livré à nos yeux.

    Quelle que soit l’origine du nom, Dawes représente un des visages du mal ou de l’ombre, car dans le « Lotus bleu » puis dans « Coke en Stock », sous le pseudonyme de Dubreuil (un breuil est un brûlis, un bois brûlé pour défricher la terre, donc un rapport avec le feu), on a le personnage odieux de JM Dawson. La racine bretonne AW qui a donné Avalon, aval, indique l’Ouest, la fin. Daw, c’est également deux, ça parle de double, de diable, de K, de ka. Dawson, c’est le fils du diable.

    Passons aux louis

    Examinons un louis.

    Deux faits remarquables : sous les règnes de Louis XIII, XIV et XV, l’avers des pièces porte l’inscription DG - FR ET NAV REX, « par la Grace Divine, roi de France et de Navarre » ; sous le règne des deux premiers, le revers porte 4 paires de L adossés, soit huit L, ce qui peut se lire Lhuit, Louis. Quatre paires d’ailes évoquent les 4 évangélistes, le sphinx, les keroubim, et les 4 fils d’Horus. Retenons ici pour la suite la racine KRB, qu’on retrouve dans le nom du navire. Quel navire ?

    FR ET NAV(arre), peut devenir fret nav(ire), c'est-à-dire un cargo, comme le Karaboudjan, sur lequel naviguait Dawes. Cette lecture est encouragée par la vision des mouettes qui avertissent Tintin de la chute d’une lourde caisse de boîtes de sardines.

    Les travaux de Bertrand Portevin ne laissent aucun doute : nous sommes ici prévenus qu’il faut lire ces scènes en langue des oiseaux. Je dirais même plus, Tintin est bien intuitivement prévenu du danger par la contemplation et une communication du monde ailé, des anges.

    Un cargo fait la navette, menant et déchargeant son fret à chaque port, comme d’après Platon : « Il existe une antique tradition dont nous gardons mémoire, selon laquelle les âmes arrivées d'ici existent là-bas, puis à nouveau font retour ici même et naissent à partir des morts » (Phédon, 70c).

    L’attention est donc attirée sur l’importance du bateau, ici vu comme vaisseau des morts. Cargo, dromadaire (vaisseau du désert), barque, canot automobile, et même sous sa forme ailée d’hydravion, qui comme la mouette est un oiseau aquatique, le bateau est ici toujours au premier plan. Le bateau, certes, mais aussi l’eau, l’eau de vie, whisky, rhum, mais aussi l’os, son homophone, qui ouvre et ferme le bal, puisque Milou qui dès la première page découvre le pot aux roses, ou boîte de crabe vide, cherche un os, en trouvera de beaux dans le désert, puis finira par s’en voir offrir un magnifique par un admirateur inconnu en dernière page, dans une boîte, encore.

    Haddock connaît la valeur des os, car lorsque dans le « pays de la soif » Milou découvre un squelette de dromadaire, il est plein de joie, ce qui démontre qu’il a compris que pour lui, os et eau sont identiques. Mais qu’est ce qu’un os ? A l’identique du crabe dont la carapace protège le corps, l’os est une carapace qui enferme la moelle, et Milou peut dire (ou penser) à chaque trouvaille : à moi l’os. L’os à moelle. Moi – El. Rien que ça. 

    Le pays de la Soif désigne le pays des morts. Soi – feu. Comme on disait feu Untel. De l’ardent désir de vivre, comme dans l’Odyssée.

    Ouvrons, trinquons, buvons !

    Si toutes les caisses doivent être ouvertes, c’est également le cas de la bouteille, dive sans doute, dont fait grand usage le capitaine, et de toutes les boîtes, vide poches ou tiroirs de l’aventure. Casser la croute. Le crabe est dans l’O de la couverture, la chair est dans la carapace, et que se cache-t-il encore dans la chair ? Derrière la porte du tonneau aux charnières, explorons les boyaux, il s’y cache de drôles de gens. Si vous saviez ce qui se cache dans nos boyaux ! Visitez l’intérieur de la terre…

    Puis de la cave aux vins capiteux, où l’on s’aperçoit avec ivresse qu’on est le Roi de la Montagne, et que la Dame blanche nous regarde, remontons dare-dare bousculer les préjugés, les fausses indignations, les fausses bibliothèques et le Omar qui porte au cou la clef qui ouvre les portes du cou, justement et font ouvrir grande la bouche. Quelle étonnante aventure !

    Le cheik Omar est un faussaire, un trafiquant, un menteur ; lorsque Tintin débouche des sous-sols, il vient de proférer un gros mensonge aux Dupond(t). Le lecteur sait bien qu’il a menti. En égyptien, amenti désigne l’Occident, le pays des morts. Curieusement, juste après cela, Tintin le heurte en poussant la bibliothèque, et Omar ouvre grand la bouche sur six vignettes sur huit, ce qui rappelle le rite d’ouverture de la bouche pratiqué sur les momies pour leur insuffler le ba et le ka. Les Dupond(t) désignent ensuite le trafiquant d’un : « voici l’homme ! » redoublé, qui a désigné le Christ (ecce homo) dans les évangiles.

    Je note toutes ces découvertes en désordre, sans chercher à leur donner un sens. Comme en archéologie, le sens s’impose lorsque tout est exhumé.

    Combien faut-il de temps pour mettre à nu toutes les couches de sens ? Combien d’années, combien de patientes et attentives lectures ?

    Tout l’album dit et répète : cherchez à l’intérieur, ouvrez les portes, qui claquent, explosent, débouchez le champagne, ôtez les bouchons, décapsulez. Même les boîtes de sardines qui manquent fracasser Tintin sur le port ont leur petite clef. Ouvrez la boîte, et vous y trouverez des poissons sans tête. Or à deux reprises Haddock délirant essaiera d’enlever la tête de Tintin. Mais Haddock sait ce qu'il fait. Enlevons la tête de Tintin, le T, et nous obtenons : in tin, soit en anglais : dans l’étain, ou dans la boîte de conserve. Etonnant, non ? D’autant que dans le Lotus bleu, certain jeune homme voulait déjà décapiter le détective. Au fait, que détecte-t-il, notre héros ? Pour Portevin, Tintin est Athéna, la Sagesse. Qui est dans la boîte, elle aussi. Parfaitement normal que Tintin Athéna soit dans l'éteint heu, l'étain pardon, de Jupiter auquel Héphaïstos a justement fendu le crâne pour qu'elle en sorte toute armée. 

    Rappelons qu'Athéna, c'est la Sagesse. Elle est toute armée car elle ne procède pas par analyse et apprentissage. Elle a ce que les anciens appelaient la "science infuse". Elle représente le pilier caché de l'arbre séphirotique du vide poches. Elle est cachée dans la bouteille, et seule l'ouverture de la tête la laissera surgir.

    Mais pourquoi l’anglais ? Parce que l’album est « anglé », comme le disait le cryptographe Grasset d’Orcet réanimé par l’alchimiste Fulcanelli. Anglé, soit crypté. Tous les mots sont ouvrables, opérables, tout est permutable.

    Rien que le titre est éloquent : LE CRABE AUX PINCES D’OR, c’est LE KERUB OPENS THE DOOR. Vous savez bien, le chérubin (le KRB réservé plus haut, de la racine BRK, la bénédiction ; inversé, c'est la malédiction qui nous a chassé du "jardin") qui garde la porte du Paradis, d’où nous venons, et l’Arbre de vie (puisque nous sommes morts). Ah pardon, vous ne le saviez pas ? Vous croyiez être vivant, au pays des vivants ? Ah, excusez-moi si je vous ai dérangé. Vous pouvez vous rendormir. Je ne ferai plus de bruit. J'étain la lumière.

    Au fait, j’ai repéré quelque chose que Portevin n’a pas vu (incroyable) : S’il dit et explique bien que Fulcanelli est le personnage qui s’adresse à Bob depuis l’hydravion qui recueille les naufragés du Vol 714, j’ajouterai que ceux-ci sont enlevés depuis le cratère comme Élie le fut dans un char volant : VOLCAN ELIE.

    En vrac

    Revenons à nos crabes : que voit-on sur la page de couverture ? Un crabe dans un bel O (lequel annonce la couverture de l’album suivant, l’Etoile mystérieuse, où c’est une étoile à cinq branches que contient le O), et lequel pourrait être un os vu en coupe, Tintin et le capitaine assis chacun sur un méhara, lesquels n’ont qu’une bosse, pleine d’eau, croyais-je, mais non, Bertrand Portevin me fait signe que c'est de la graisse, pas de l'eau ; (dans bosse, il y a os, c’est beau) derrière la croix de leur selle, dans le désert. Le capitaine tient une bouteille à la main, laquelle éclate sous l’impact d’une balle.

    Une balle de plomb tirée d’une carabine volatilise la fausse lumière contenue dans le flacon, et qui rend fou le capitaine. Cela a lieu dans le voisinage du puits de Kefheïr (de la Samaritaine ?).

    On retrouve le plomb dans la mine du crayon, son âme. Le crayon est dans le tiroir. Originellement en plomb, puis en alliage plomb/étain, puis enfin en graphite, lequel est une forme allotropique du carbone, comme le diamant. Possibilité de transmutation et rappel du couteau noir qui peut devenir blanc puis rouge.

    D’une manière générale, l’album, comme « Coke en stock » (et bien d’autres albums, rappelle Bertrand Portevin, l’Île noire, l’Or noir, etc.) met en scène le noir, l’intérieur des choses, les passages verticaux (escaliers, marches, échelles, hublots, évocation de puits et de montagnes), les cales, les caves, les passages secrets (tonneau, boyau, charnières). Tout est faux et truqué. Fausses pièces, fausse bibliothèque, faux aveugle, faux crabe. Je ne dis pas que tout est bidon, puisque c’est dans « Le lotus bleu » que tout le monde passe la moitié de son temps fermé dans des bidons.

    Nous sommes dans le noir. Tintin aura beaucoup exploré le noir : or noir, âmes noires, et quelques poubelles, comme dans cette aventure. Comme Hergé son père a affronté le noir qui l’envahissait souvent, pour enfin parvenir à la lumière. Certaines indications peuvent nous éclairer. D’après Tintin, Karaboudjan est arménien. En arménien, kara signifie noir, ar, har, kar voulant dire montagne. Abou est le père, et Djan désigne l’âme, ce qui est précieux et cher. Un bateau arménien fait immédiatement songer à l’arche du dénommé Noé, échouée sur le mont Ararat. Au fait, en arménien, lumière se dit : louys. Pour Portevin, KARAB OUDJAT, c’est le mauvais œil. Qui renvoie à l’œil monoculé de l’affreux Rastapopulos, le méchant des méchants. Ca rappelle le cyclope Polyphème d'Ulysse, l'oeil de Sauron, l'oeil des Illuminati, et ça désigne toujours l'Ennemi des hommes, le Malin, dit la prière orthodoxe.

    A propos de louys, lux, le breton, qui provient tout droit de la langue mère des Pélasges distingue :

    Lous, Louz, ‘bienfait’ de la racine Lùs ou Lùz, ‘sale’, ‘impur’.

    Autant dire qu’il faut ouvrir l’œil, et le bon, et ne pas oublier cette parole du Christ : "Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes." (Matt 10.16)

    Le bateau maquillé portera le nom de Djebel Amilah, ou le Mont de la Promesse. Vaisseau alchimique qui de vaisseau des morts, mauvais oeil, porte maintenant la promesse. Certaines boîtes contiennent de l’opium, d’autres du véritable crabe. Ouvrons les boîtes pour savoir qui est qui, quoi contient quoi, car sinon nous resterons dans l’opinion, la généralisation, la connaissance superficielle, l’amalgame... Les mots sont des boîtes aux lettres. Ouvrons les boîtes, les lettres, les mots, les maux, l’Être, le néant. Ouvrons les fenêtres.

    Quoi d’autre, dans ce tiroir ? Une lettre ouverte, justement sous une enveloppe décachetée, qui a franchi les mers. La lettre cachée. Lettre volée, d’Edgar Poe. Décachetons, sortons du cachot, jetons au feu les lettres de cachet, ouvrons les lettres des mots qui nous appartiennent, puisque la parole est humaine, et qu’elle sert à construire, découvrir et déconstruire le monde. Ouvrons les lettres, ouvrons les mots, ouvrons les yeux, réalisons enfin le grand œuvre.

    Les boutons ? La promesse des fleurs épanouies ? A moins que ce ne soient des petites pièces percées, comme celles qui servent au tirage du Yi king, dont Hergé était un grand pratiquant ? Je l’ignore.

    La clef ? Cherchez la serrure. C’est vrai, parfois on est devant une porte fermée, et on n’a pas la clef, d’autres fois, c’est l’inverse. Quelle bêtise d’avoir une clef, la petite clef d’un coffret intime, et de ne pas savoir où est passé le coffret ! Je ne vous dirai pas de quel précieux coffre il s’agit, vous êtes bien assez grands. A chacun son mystère.

    J’y retourne

    Voilà comment on peut lire la vie d’un homme dans le contenu de ses poches, quand c’est Hergé qui raconte l’histoire. Peut-être que tout cela ne sort que de mes fantasmes, n’est que poussière ajoutée et ne mène nulle part. Ou peut-être pas. Vivons dangereusement et légèrement. Nous sommes poussière, et le propre de la poussière, c’est la légèreté. Que la poussière vole et danse dans les rayons du soleil.

    J’arrête là ce périlleux exercice. S’il vous a plu, mais laissé sur votre faim, ce qui est normal car je n’ai moi qu’une petite boîte à outils, empressez-vous de dévorer Portevin, qui lui en a une énorme, grosse comme ça, mais pas la grosse tête, attention, dont les deux livres (hélas, il n’y en a que deux, un troisième est en cours, mais vue la consistance et le fait que le monsieur travaille concomitamment pour gagner sa portion, c’est normal qu’on attende un peu) s’appellent : « Le Monde inconnu d’Hergé », et « Le Démon inconnu d’Hergé » (attention, ce dernier ne se trouve déjà plus que d'occasion).

    Et surtout, lisez et relisez les prodigieuses aventures d’un héros immortel au cœur limpide : Tintin. Ora, lege et relege … 

    PS : Dans sa relecture de ces oeuvrettes, Bertrand Portevin m’a signalé que c’est dans saint Luc et saint Jean, tous deux au chapitre X, que Jésus dit « Je suis la porte ».

    Hé bien, j’ai jeté un coup d’œil en page 10, où l’on voit Allan Thompson faire entrer les Dupondt dans sa cabine. Il signale : "attention, il y a une marche". Et les Dupondt qui ne baissent pas la tête se prennent tous les deux le chambranle. « Et la porte est fort basse », ajoute Allan. Normal, c’est la « porte étroite ». Effectivement, il y a une marche, il faut s’élever. Et baisser la tête, car ici n’entre nul orgueilleux, plein de lui-même. Pour s'élever, il faut nécessairement mettre la tête en berne, couper le mental.

    Pour ceux qui ne baissent pas la tête, cette fameuse tête qui nous sert de bouchon, ça décoiffe.

    * Bertrand Portevin me fait remarquer que cet album est le 8ème des albums en couleurs, correspondant à la carte du Tarot "la Justice", qui rejoint le sens de Maat, au jugement des âmes qu'elle pèse dans une balance.





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  • le crabe aux pinces or 1280[1]

    Cet article fait suite à celui-ci. 

    Je me suis attaché à faire l’inventaire de ce que recélaient les poches d’Herbert Dawes, matelot du Karaboudjan, noyé dans les eaux du port.

    On y a trouvé, comme le montre la case A1 de la page 6 : 

    -          cinq fausses pièces de 20 francs

    -          un fragment d’étiquette de boîte de crabe

    -          un couteau à trois lames

    -          deux boutons

    -          un crayon de papier bien taillé

    -          une lettre de deux pages cachée par une enveloppe ouverte, venant de l’étranger

    -          une petite clef

    -          un paquet de cigarettes « Aristos »

    -          une boîte d’allumettes au phosphore

     

    Le tout se trouvant dans un tiroir (Bertrand Portevin est d'avis que c'est un vide poche) au bureau des Dupon(d)t, envoyé par la Sûreté, à côté d’un pot de colle. Le sens est clair : une colle est posée. Voyons voir, comme dit l’aveugle. 

    Le réceptacle informe d’emblée qu’il s’agit d’une histoire à tiroir(s). Les détectives insistent à plusieurs reprises sur les fausses pièces de 20 francs, qu’eux-mêmes ne savent pas reconnaître. Ce qu’ils ne savent pas distinguer, c’est les faux louis des vrais. Vingt francs, c’est un louis.

    De fausses pièces de vingt francs, fausses pièces de vin, vin pas franc, alcool frelaté, dangereux pour le pauvre capitaine et par contrecoup pour Tintin. Fausses pièces de vin, fausses barriques, faux tonneaux, qui possèdent des couvercles à charnières, recélant des boyaux menant à d’autres caves cachées, on se croirait chez Erik, le fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux. 

    Quoi de plus normal, si l’on en croit Richard Khaitzine (La langue des Oiseaux) ?

    Mais cette histoire de fausses pièces est aussi une fausse piste. L’album n’en parlera plus. Le sens est donc à manger sur place. Que voit-on ? Les pièces forment la base de l’arbre de vie, figure qu’on rencontre dans la kabbale mais aussi chez les Gypsies, les Egyptiens, les Gitans, dont nous parlera un jour Hergé (Les bijoux de la Castafiore). On a Malkut, séparée de Yesod, qui touche presque Hod. Les pièces sont posées sur une enveloppe dont des fragments de l’adresse apparaissent en dessous, ce qui procure à Yesod un petit crochet tendu vers Malkut. Sous celle-ci, on lit distinctement le numéro de la rue, 38. Curieux, car si l’on additionne la valeur des séphiroth visibles, on trouve 39 (10 + 9 + 8 + 7 + 5) ; 38 précède donc 39. Et 11 (3 + 8) précède le 10 de Malkuth, dernière émanation visible. On a donc deux linéarités croisées, un X, lettre symbolisant la lumière mais aussi l’inversion, par exemple celle de nos hémisphères cérébraux et de nos membres.

     

    Afin d’avertir le lecteur attentif, le tiroir avoisine une feuille, la seule dont le texte est lisible dans l’immense foutoir des Dupon(d)t, et qui passe dans un premier temps pour un gag : « Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place. » Nous sommes en fait prévenus que la disposition des objets a un sens. Cette maxime vaut pour le dessin, l’album, tous les albums d’Hergé, mais pour l’ensemble de la vie et de l’univers. Dans ce monde, ne nous en déplaise, chaque chose est à sa place. Dur à avaler. 

    ‎Netzach est à sa place, ainsi que Geburah. Hesed manque, Tipheret (correspondant au Soleil) est logiquement remplacé par une boîte d’allumettes jaune, et les Séphiroth supérieurs par un paquet de cigarettes bleu ciel, de marque Aristos (aris T os, aris theos), l’origine ou les dieux élevés.

    Le fait que Hesed manque peut avoir deux sens : que le matelot vivait dans le monde du jugement (Hod) et ignorait la Grâce, ou que Hesed (Vénus, Lucifer, Phosphoros) est représentée avec Tipheret par la boîte d’allumettes.

    Les pièces sont fausses, car elles sont phos, comme le rappelle le phosphore des allumettes. Tintin est une lecture éclairante. Le phosphoros, le porte-lumière, Lucifer est déjà dans le tiroir, comme le Polichinelle (Ah, je ris de me voir si beau en ce tiroir !).

    Phos, pi est-ce ? Y a-t-il un rapport entre le cercle et la lumière ?

    Le tiroir est la première caisse aperçue dans cet album, qui en regorge, et les annonce. Caisses de sardines, de champagne, d’opium, de crabe, etc. Qu’est-ce ?

    Mille et Une questions posées, qu’est-ce ?

    Deux planches attachées plus ou moins en croix, venues d’une caisse servent à Tintin à sortir de la cale pour grimper jusqu’à la cabine d’Haddock au dessus. Chaque caisse recèle des objets fermés eux aussi, qui s’ouvrent d’eux-mêmes sous la pression interne (champagne) ou par intervention. Double peau.

    Le canif (knife) est fermé. Fermer son couteau, c’est caner, mourir. Ouvrons-le, c'est-à-dire commençons l’Oeuvre. Ouvert, il peut se lire : K – nif. En langage anglé, ça signifie le « ka pue » (anglais to niff). Le ka, comme le rappelle Portevin, c’est le double qui nous accompagne dans ce voyage. D’abord puant, il peut (et doit) être lavé au cours du périple. Devenir un ka beau, comme Milou, qui est même un cabotin. Voyez comme Milou a presque toujours une patte noire dans les premières pages. Il rappelle le dallage noir et blanc des loges maçonniques, la dualité, l’ambivalence.

    KA est une racine récurrente chez Hergé. Il a passé sa vie à laver son canif, pour en faire un cabot. Pour Portevin, le vrai Hergé, c’est Milou.

    Nife, c’est aussi l’abréviation qui désigne le mélange de fer et de nickel qui constitue le noyau de la terre, et en assure le magnétisme. Je renvoie ici aux travaux d’astrothéologie d’Alan Duke « Le secret de Gaïa » dont je n’épouse pas nécessairement toutes les thèses mais qui est un livre nourrissant. Les mythes anciens assurent que l’enfer (en fer) est sous nos pieds. Et que c’est également le séjour de Satan. Tout ce qui est noir lui appartient. Et le lien entre ce noir et la parfaite Lumière, c’est le dénommé Lucifer, le phosphoros, l’Etoile du matin, que désigne le vair de l’héraldique.

    Mais ce canif noir est réversible, sans différence entre le haut et le bas. Retournons-le, KNF devient FNK, phoinikos, la pourpre, couleur royale, puis le phénix. Purpurea, c’est le feu du feu, qui purifie tout.

    Donc le couteau noir a trois lames peut devenir blanc cabot puis phénix solaire. Je rappelle que nous parlons ici de la destinée humaine. Couteau est synonyme de fer : mourir sous le fer est une expression courante du passé pour dire « être poignardé ». Le phénix est l’emblème de la renaissance.

    K est la onzième lettre. Le canif est posé à gauche du N° 38, soit 11. Je passe sur le symbolisme ambigu de Onze.

    Il doit donc précéder Malkut, qui est 10. Les choses sont bien à leur place, Monsieur Hergé, on retrouve tout. Le graphisme du K montre un I se scindant en deux branches, comme le hiéroglyphe du ka représente deux bras levés. L’équivalent au niveau humain de la séparation divine qui a donné son reflet le monde. L’ombre. La conscience. Le couteau ressemble beaucoup à un poisson. Le poisson que nous sommes dans l’eau de la mer, ou réalité dans laquelle nous voyageons. En breton, mer veut dire : beaucoup. La multiplicité.

    Le petit crochet apparent sous Yesod, la sphère lunaire n’est il pas un harpon, un hameçon pour pêcher les âmes des noyés, et les ramener à la vie ?

    Le couteau de Dawes a trois lames, qu’on peut rapprocher de la triple nature émotionnelle, mentale, intellectuelle contenue dans le corps.

    Notons qu’un synonyme de couteau est schlass, c'est-à-dire la bouteille brisée tenue par le goulot dans les bagarres d’ivrognes. Mais être schlass veut également dire être saoul. Or l’album nous parlera abondamment d’ivrognes, à commencer justement par Dawes, et de bouteilles cassées.

    Si Haddock dans cette première aventure répugne par sa violence et son égoïsme, il émeut par sa profonde sincérité, par son désir de s’améliorer, de s’amender. Il va de crise en sottise, disant à chaque prise de conscience : « Mon Dieu, qu’ai-je fait ? ». Pour Bertrand Portevin, il est Dionysos,fils de Sémélé et de Zeus. En tout les cas, sa mère est bien une mortelle, de terre et d’eau, car lorsque Tintin lui reproche son ivrognerie et lui dit : « Que dirait votre vieille mère en vous voyant dans cet état ? », il bredouille : « Ma vieille mère. Bou-ouh, bou-ou-ouh… ». Oui, de la boue, comme vous et moi. Argile, matière, poussière une fois séchée : de la boue. Avec un H final, qui en kabbale hébraïque (hé) indique que l’esprit y est inclus. Ce qu’il recherche dans l’alcool, ce cher Capitaine, c’est sa nature divine, son étincelle.

    Eustache est une autre appellation argotique du couteau, qui signifie : « bonne récolte ». Le couteau va donc servir de faux (phos), ou de serpe. La lame est dans le corps du couteau, la « serpe en ». Le serpent est en nous, comme la lumière, mais nous l’avons oublié depuis la chute dans l’eau du Léthè où nous nous sommes noyés en venant dans ce monde. Ne voyant plus clair, nous croyons voir deux faces, raison pour laquelle les pièces sont fausses : bien, et mal.

    Nous voyons deux là où nous devrons finir par ne voir qu’UN. Les pièces disparaîtront alors, avec les portes, puisque les murs s’effaceront. Mille histoires, plus Une.

    Ca va ? Pas trop rebutant ? Je vous conseille d'imprimer cette page et de la lire en vous appuyant sur l'album. Suite et fin au prochain épisode.





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    Réédition d'une série de 3 articles publiés en juin 2010 :

    Peut-être connaissez vous ma passion pour l’œuvre de Monsieur Georges Remy, dit Hergé, et en particulier pour le cycle des aventures d’un dénommé Tintin ? Oui, bien sûr, j’appartiens à la génération qui attendait avec impatience chaque nouvel album. J’ai souvent lu et relu, découvert les analyses, exégèses, biographies tout au long de mon existence, sans être un spécialiste comme on en trouve dans plusieurs associations, qui ont recensé tous les boutons de porte.

    Un beau jour, j’ai plongé le nez dans un livre d’un certain Bertrand Portevin , et là j’ai coulé à pic. J’en suis à trois lectures. Os court, Portevin m’a tuer. Le sens profond, l’âme de l’œuvre passionnément mais respectueusement mise à nu, par un travail impressionnant et toujours drôle. Respect.

    Je respecte tant et j’ai tant été convaincu du bien-fondé de sa lecture, et de la véritable voie que ça ouvre à tout Amoureux de Sapience, que j’ai cherché à approfondir à mon tour certaines images, tirées en particulier d’un album : « Le Crabe aux pinces d’Or ». Pourquoi celui-ci ? A la suite d’un rêve dans lequel je descendais sur terre avec un personnage brun et frisé nommé Dario Carabo. Lors d’une relecture ultérieure et générale des Tintin, j’ai vu que Karabo se trouvait inclus dans le nom du bateau du capitaine Haddock à sa première apparition : le Karaboudjan. Et que mon personnage ressemblait beaucoup au Tintin grimé en mendiant qui guette Allan dans les rues de Bagghar, mais aussi lorsqu’il accompagne en tant que son neveu Alvaro le marchand Oliveira da Figueira chez le Pr Smith, alias Müller (dans l'Or noir).

    Depuis, je lis et relis cet album en particulier, et je crois avoir déjà réussi à en tirer un peu de moelle. Cela dit, je n’ai pas l’ambition de me comparer à Portevin, qui me dépasse de cent coudées, et que je ne remercierai jamais assez pour son splendide travail. Je dois préciser que Portevin démontre d’une manière éblouissante que toute l’œuvre est basée sur le symbolisme de la franc-maçonnerie et du Grand-Œuvre alchimique.

    A ce point, je dois préciser (une fois de plus) que je n’ai aucun lien avec cette mouvance, mais que l’étude du symbolisme amène nécessairement dans ses parages. Je voudrais également dire qu’il n’y a (à mon avis) aucun point commun entre les vrais maçons au cœur pur dont était l’ami Hergé, et le grand guignol sataniste qu’on nous montre partout. Pas plus qu’avec les assemblées de gorets avides de pouvoir et de relations qui fraternisent ou s'empoignent autour de la marmite. Encore une fois la Bête a souillé et singé le meilleur pour en tirer le pire.

    Hergé était un homme ardent et vulnérable, d’une discrétion totale, souvent dépressif et révolté, comme son héros Tintin, par l’injustice, qu’il a combattue toute sa vie par son œuvre, laquelle a insufflé de la lumière dans des millions de cœurs d’enfants. Sans lui, le monde serait aujourd’hui encore plus obscur.

    Il y a eu, il y a, il y aura des polémiques autour de l’œuvre. Récemment, des noirs demandaient l’interdiction de Tintin au Congo*. Pourquoi pas ? Demain, on retirera Coke en stock sous la pression des Arabes décrits en marchands d’esclaves. L’album qui risque d’être retiré en premier, c’est Tintin en Amérique, dans laquelle un Hergé qui commençait à voir les choses comme elles sont décrit l’histoire et la mentalité américaines en moins d’une page : A la page 28, Tintin vient de découvrir du pétrole. A la première case de la page suivante, il dit : « Personne pour capter cette fortune liquide ! ». Moins de dix minutes plus tard arrive un premier chacal, contrat en main, puis deux, puis quatre autres, et les offres passent de 5 000 à 100 000 dollars en un clin d’œil. Tintin répond que le puits de pétrole ne lui appartient pas, mais aux Indiens Pieds Noirs. « Vous n’auriez pas pu le dire plus tôt ? » rétorque un businessman pendant que son complice donne vingt cinq dollars au chef indien, en lui disant : « Vous avez une demi-heure pour faire vos paquets et quitter le pays ». Une heure après, l’armée chasse les derniers indiens qui partent avec leurs baluchons. L’heure suivante, arrivent des matériaux et des architectes. L’heure suivante, la Petroleum et Cactus Bank a ouvert ses portes, et le lendemain matin, la prairie est devenue une ville. Le tout en onze dessins. Bertrand Portevin signale qu'Hergé a fait encore plus court : page 1, case 1 : un flic en uniforme fait le garde-à-vous à un bandit masqué, armé, traînant le fruit d'un hold up. Tout est dit : pays de voleurs et de corruption.

    Hergé disparu, l’affaire devient un gros business, et les loups d’Hollywood rappliquent. Tintin va probablement être métamorphosé en un allié des forces du bien, celles des gentils blancs. C’était un peu la vision simpliste d’Hergé dans Tintin au Congo (« Quels as, ces missionnaires »), mais elle a très vite évolué. La lecture successive des albums montre bien que dès ce premier album en couleurs tous les thèmes hergéens étaient présents, et même l’infâme Rastapopoulos, mais que la pensée de l’auteur s’est régulièrement affinée, épurée, en même temps que son être profond. Pour moi, et ce n’est que mon avis, le premier album dans lequel Tintin a cessé d’être un justicier pour devenir un Juste, c’est « Le Lotus bleu », qui est le quatrième album en couleurs.

    Si dans Tintin en Amérique il expose la cruauté des blancs, ses Indiens sont encore plus ou moins collectivement des crétins. Mais c’est la dernière fois. Dans tous les autres albums, les populations indigènes seront différenciées, et chaque personnage aura une vraie texture plus ou moins complexe.

    Voilà, cette rapide présentation est terminée, il existe une foule d’ouvrages sur Tintin, dont entre autres l’œuvre indispensable de Serge Tisseron et celle de Benoît Peeters.

    Mais mon dessein n’est pas de retracer la vie et l’œuvre de Hergé. Il est de vous exposer ce que j’ai pu tirer de l’examen attentif de la page de l’album «Le Crabe aux Pinces d’Or ». Ce que j’ai fait là, avec un peu de familiarité avec la langue des Oiseaux, chacun peut le faire à sa manière. L’œuvre est voilée mais ouverte. Chacun peut venir y boire, et y trouver de la substance. Au fond, Hergé continue la grande tradition d’Apulée, de Rabelais, de Cervantès, de Dante, mais son travail est beaucoup plus facile à ouvrir pour des gens du XXIème siècle, surtout – et c’est un préalable indispensable si l’on veut effectivement passer à la pratique – lorsqu’on a lu Portevin **.

    Je voulais seulement vous montrer en quelques pages ce que l’on peut tirer d’un seul album en prenant la peine de le lire, de le relire, de le méditer, en quelque sorte, de laisser monter le sens de ses images ou de séquences d'images parfois quasi oniriques et de passer un peu au-delà de la surface. Montrer qu’il y a bien un fil, une rivière souterraine qui traverse l’œuvre.

    * Concernant « Tintin au Congo », la position de Patrick Lozès qui demande l’ajout d’un texte expliquant la vision paternaliste qui prévalait à l’époque me paraît juste, mesurée, intelligente.

    ** J'ai écrit ces trois textes en juin 2010; soucieux de ne pas raconter n'importe quoi, je les ai soumis au maître, dont j'ai fini par trouver l'adresse, qui les a lus et relus, dit-il, avant de me donner l'imprimatur. Il semblerait même que j'ai fait quelques vraies trouvailles. Elle est pas belle, la vie ?

    *** Pour finir, si vous voulez comprendre de quoi je cause, il vaudrait mieux que vous ayiez à portée de main l'album "Le crabe aux pinces d'Or", car les gens qui détiennent les droits de l'oeuvre sont particulièrement féroces, leur alchimie personnelle paraissant surtout basée sur l'or d'ici bas, et il m'est difficile d'illustrer mes propos.

    Donc, si ça vous dit, rendez-vous prochainement pour un travail d'archéologie.





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  • C'est vraiment trop trop bon, JeHan, jehan remets une couche.

    Régalez vous, avec Monsieur Victor Hugo, un gars qu'écrivait pas mal en son temps, et madame Colette Magny, une grande (et grosse) femme, qui a enchanté ma jeunesse.

    Qu'un mec comme JeHan soit aussi peu connu, avec tout ce talent, cette générosité splendide, c'est significatif de la bouse ambiante.

    Tiens, pour remercier madame Colette, un p'tit kdo :

     

     


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  • Une très belle version de cette chanson créée par Jean-Roger Caussimon, dont il existe entre autres une belle interprétation de Philippe Clay.

    C'est le cadeau du jour. Un des cadeaux, parce que tout est cadeau.

     


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